mercredi 21 mai 2008

J'voudrais pas crever avant d'avoir voyagé !

- Ola, mon ami ! Companeros ! Tu n'est pas sur la route ? Tu peux pas rester ici. Il faut que tu voyages, que tu vois du monde, que tu apprennes.
- Mais pourquoi faire ? Je suis bien ici. J'ai pas besoin de voyager. Tous ceux qui l'ont fait sont revenus en me disant que l'herbe n'était pas plus verte ailleurs.
- Qui t'as dit qu'il te fallait chercher herbe plus verte ? Si on te demande de partir, c'est pour mieux revenir. Ce n'est pas mener conquête ton but, c'est mener ta quête. "Der Weg ist das Ziel"(*) T'en souviens-tu ?
- Vaguement... Je suis si fatigué. Tu sais la vie et les gens m'ont usé. La sincérité ? Ca n'a pas payé. L'amitié ? Ca a plus que souvent capoté. Quant à l'amour, n'en parlons même pas. J'en ai trop marre d'avoir ces marées en dedans qui me font à chaque fois perdre l'équilibre. Je suis bien mieux au coin du comptoir, peinard, à endormir ma conscience dans les vapeurs d'alcool.
- Qu'est-ce qui se passe, mon ami ? D'où te viens cette désillusion ? Je t'ai connu plein d'espoir.
- J'ai l'araignée dans la tête qui vient me réclamer son dû. Elle vient remettre les pendules à l'heure. Il n'y a plus rien, mon pote ! Plus d'horizon, juste un mur avec rien derrière.
- Il n'y a de mur que celui que tu te construis toi même ! N'étais-tu pas de ceux qui choisissent leur avenir plutôt que de le subir ? de ceux qui ignore superbement la fatalité ? de ceux qui ne disent jamais qu'il n'y a pas de hasard et que tout est destin ?
- C'est vrai. J'étais l'un d'entre eux. Mais il est des moments de vie où je ne ressens que lassitude et aigreur. Des moments où je bascule dans le cynisme. Et j'ai bien peur de ne pouvoir en ressortir cette fois.
- Alors bouge-toi ! Voyage ! Pars ! Qu'est-ce que tu risques ? Rien de pire en tout cas. Puis des bars, y'en a partout. L'essentiel, c'est d'en changer de temps en temps histoire de faire des rencontres.
- Ouaip ! C'est vrai ce que tu dis. Tu sais quoi ? J'ai jamais rencontré Corto dans un bar même à l'Univers à Saint-Malo. Par contre, j'ai rencontré sa fille, une sacrée nana... inaccessible, bien entendu. Mais, bon, de toute façon, je ne cherche pas à y accéder. Puis, c'est dans un troquet que j'ai rencontré mon "parrain", un gars très bien qui m'a ouvert les portes d'un univers inconnu et porteur d'espoir.
Bon, allez, je finis celui-là. Je prends cabas et bâton et je file sur la route. A bientôt ! Mais, mon ami, seras-tu là à mon retour que je te conte mon carnet de voyage ?
- Evidemment que je serai là. Tu sais que je ne suis jamais loin de là où...


(*) "Le chemin est le but." (proverbe allemand)

jeudi 1 mai 2008

La vie par chapitres

"Moi, je vis ma vie par chapitre.", me disait récemment une charmante interlocutrice. Que voilà une manière de voir qui ne me déplait pas!

Ainsi, nous passons de chapitre en chapitre, n'en ouvrant un nouveau que parce que l'on a clôturé le précédent. Quoique... certains d'entre eux résistent à leur conclusion. Ils ont alors une méchante tendance à venir perturber celui en cours nous obligeant à user d'autorité en leur donnant une fin bien souvent quelque peu brutale.

Les chapitres se succèdent ainsi pour former un livre dont nous n'écrirons jamais l'épilogue car, après le dernier chapitre, nous n'écrivons plus.

Et puis, les chapitres des autres viennent se mêler aux nôtres.

Du coup, les lignes se mélangent, s'entremêlent, s'entrecoupent, s'enlacent, se confondent, se fécondent mutuellement ; les mots deviennent dessins, les dessins peintures qui se brouillent progressivement. Le flou s'installe puis se dissipe pour laisser à nouveau la place aux mots.

Tout ces livres entrelacés par bribes de chapitres forment alors un grand livre qui ne se terminera vraisemblablement jamais.

Mais sois assurée, très chère interlocutrice, que je n'écrirai rien dans un de tes chapitres sans ton explicite autorisation.


Images : Stella Im Hultberg, "High over yonder" et "Can't disappear"